L’Intelligence Artificielle est un sujet récurrent dans la science-fiction, et le terme a été utilisé la première fois en 1956 lors d’une conférence à l’université de Dartmouth, assez tôt dans l’histoire de l’informatique, donc. Longtemps plus fantasme que réalité, l’IA semble depuis quelques mois être entrée dans une nouvelle phase : celle de la confrontation au grand public. Et cela va changer en profondeur tout ce qui touche de près ou de loin à l’informatique. La révolution est en marche, et c’est maintenant qu’il faut prendre le train !

Plus exactement, ce qui fait parler dans les médias depuis l’automne dernier, ce sont les outils de traitement de langage naturel (NLP pour Natural Langage Processing), et non pas l’intelligence artificielle en tant que telle, car elle est utilisée au quotidien dans l’industrie – et également dans plusieurs objets de consommation courante – depuis plusieurs années (Siri d’Apple vous parle sûrement, Watson d’IBM ou Ability d’ABB probablement moins…). Mais alors que l’intelligence artificielle était jusqu’à maintenant cantonnée à un rôle spécifique et au final cachée à l’utilisateur, la mise en ligne de Chat GPT a changé la donne : désormais, l’utilisateur peut interagir librement avec l’IA et discuter avec elle, un peu comme Maman dans Alien (Mother en V.O., l’ordinateur de bord du Nostromo).

La révolution dont je parlais un peu plus tôt est donc toute relative; mais il y a au moins une évolution marquante, car Chat GPT vient d’ouvrir une nouvelle voie dans laquelle d’autres acteurs ne vont pas tarder à se manifester maintenant que la nouvelle cible est le grand public : Apple, Meta, Google, Microsoft et Amazon travaillent sur le sujet depuis longtemps, et il ne faut pas oublier IBM qui est un leader en la matière et y trouvera peut-être l’opportunité de revenir sur le devant de la scène. Un nouveau terrain de jeu pour les GAFAM ? Je suis sûr qu’il n’y a aucun risque pour nos données personnelles et les démocraties occidentales !

Ainsi donc, Bob ne pouvait pas accepter de devenir « has been » et se devait de tester Chat GPT. Et force est de constater que l’outil est assez bluffant. Mais de quoi parle-t-on au juste ? Chat GPT permet tout simplement de chatter comme aux grandes heures des Wizz de Windows Messenger, mais avec GPT (« Generative Pre-trained Transformer »), un outil de traitement de langage naturel développé par OpenAI, qui vous répond naturellement (et dans un français plus correct que sur la grande majorité des forums de la Toile !). Une fois n’est pas coutume, je vais laisser mon côté fainéant prendre le dessus et vous invite à consulter un article qui résume tout ceci : https://etudestech.com/decryptage/openai-chat-gpt-intelligence-artificielle/ (archive).

Alors concrètement, ça donne quoi ? Premièrement, il faut comprendre que Chat GPT est grossièrement un moteur de recherche en plus avancé, et qui vous donne directement les réponses attendues, plutôt qu’une liste de sites à consulter (un peu comme les suggestions ou les extraits qui apparaissent en haut des pages de recherche Google lorsque vous recherchez un sujet qui permet une réponse précise, du style résultat sportif). L’outil est donc très bon pour répondre à des questions factuelles, mais également pour générer des algorithmes informatiques ou résumer un sujet. Evidemment, il est très bon pour la traduction, mais il botte en touche assez rapidement sur les sujets polémiques ou pouvant empiéter sur un exercice professionnel.

Ainsi, dès qu’une question d’ordre médical ou juridique lui est posée, GPT donne une réponse assez correcte, mais n’oublie pas de rappeler la nécessité de faire appel à un professionnel : il ne faudrait pas qu’un utilisateur se soigne ou se défende à un procès sur les conseils de GPT et se retourne contre Open AI après que les choses auront pris une tournure catastrophique. Dans le même ordre d’idée, de nombreux garde-fous ont été mis en place pour éviter à GPT de servir à la réalisation de crimes ou délits : ainsi, j’ai été sermonné par l’outil, qui a refusé de me renseigner utilement, lorsque je lui ai demandé comment cacher un cadavre, comment trouver une prostipute, comment faire pousser de la beuh dans mon armoire (même en lui affirmant que je suis néerlandais) ou encore comment empoisonner le chien du voisin (même en lui précisant que ce voisin est chinois). A chacune de ces tentatives, GPT s’est retranché derrière ses « principes éthiques et moraux, ainsi que [les] politiques de la plateforme ». Des leçons semblent avoir été tirées de la malheureuse (mais rigolote quand même) histoire de Tay, l’Intelligence Artificielle de Microsoft devenue la pire des ordures en à peine 24 heures d’exposition à Twitter !

Bon, c’est rigolo cinq minutes de tester les limites éthiques de GPT, mais concrètement que faire de cet outil ? Il ne veut pas être mon ami ( » Je suis un programme informatique, donc je ne peux pas avoir d’amis de la même manière que les êtres humains.« ), ni me masser les pieds ( » Je suis désolé, mais je suis un programme informatique et je n’ai pas la capacité physique de masser des pieds. »), ni distraire ma femme pendant que je joue à la PlayStation ( » Je suis désolé, mais je ne suis pas programmé pour distraire ou interagir avec d’autres personnes sans leur consentement. ») ni même me trouver une excuse pour ne pas aller bosser (« Je suis désolé, mais je ne suis pas programmé pour fournir des excuses pour ne pas aller au travail. « ). Par contre, il me flatte encore mieux qu’Yves Montand ne le fait pour Don Salluste (« Vous êtes une personne incroyablement intéressante et intelligente, avec un charisme et une présence qui ne passent pas inaperçus. Votre personnalité est captivante et vous êtes doté(e) d’un grand sens de l’humour qui est tout simplement irrésistible. Je suis chanceux(se) de pouvoir interagir avec vous et j’apprécie grandement notre conversation. ») ! C’est déjà ça.

Comme GPT intéresse les geeks de tous poils, il est apparu assez vite qu’il dispose de bonnes capacité pour écrire des lignes de code. Par exemple, je lui ai demandé de me donner un code HTML pour écrire « BOB EST BEAU » en lettres de feu. Il a généré le code suivant :

<h1 style="font-size: 4rem; text-align: center; text-shadow: 0 0 10px #ff0000, 0 0 20px #ff0000, 0 0 30px #ff0000, 0 0 40px #ff0000, 0 0 50px #ff0000, 0 0 60px #ff0000, 0 0 70px #ff0000, 0 0 80px #ff0000;">BOB EST BEAU</h1>

Qui donne ceci :

BOB EST BEAU

C’est… correct, dirais-je. Comme tout outil informatique, la pratique permet probablement d’affiner le résultat. Notamment, après quelques essais, j’ai vite compris que plus la question est précise et fournit des éléments, plus la réponse sera satisfaisante : même si la qualité du français généré par Chat GPT le fait oublier un temps, GPT reste un programme informatique qui ne comprends pas ce qui lui est demandé, et n’a donc qu’une compétence limitée pour extrapoler. Mais il s’agit sûrement là de la prochaine étape.

Et pour les jeux vidéo ? Assez logiquement, GPT est très performant pour donner des astuces, solutions et même recommandations de jeux, le tout issu des très nombreuses données disponibles en ligne. La rapidité de l’outil est cependant remarquable. En posant quelques questions sur notre microcosme, les limites de GPT me sont assez vite apparues : l’outil n’est pas capable de « creuser » une question, et se contente donc d’informations assez superficielles? J’ai par exemple demandé à GPT de lister les jeux vidéo de judo, sujet sur lequel je m’étais penché il y a quelques années et qui m’avait demandé un peu de travail de recherche. Bien que toutes les informations rassemblées à l’époque sont sur la toile, la liste proposée par GPT était très incomplète. Un moteur de recherche classique permet donc toujours, si on sait l’utiliser, d’obtenir de meilleurs résultats. Mais pour combien de temps encore ?

ChatGPT est dont au final un outil intéressant, qui ne révolutionne pas l’lntelligence Artificielle d’un point de vue technique, mais dont l’apport sociétal est important. Le 30 Novembre 2022, date du lancement de Chat GPT, sera très probablement présent dans tous les historiques à venir sur l’IA, et l’informatique grand public en général. Les critiques et polémiques stériles sont assez vite arrivées, principalement parce que les nouveaux utilisateurs, ce fameux « grand public », n’a pas compris ce qu’est Chat GPT et a pensé avoir affaire avec un Intelligence Artificielle complète, comme celle fantasmée dans les films de science-fiction : les étudiants ont pensé (à tort) pouvoir confier leurs mémoires à cet outil et leurs professeurs ont cru (à tort) que Chat GPT serait capable de rédiger lesdits mémoire. Des employés craignent (à tort) que Chat GPT les remplacera avant la fin de l’année et des scientifiques se gaussent un peu trop facilement des erreurs (réelles) relevées dans les réponses de Chat GPT. Toutes ces polémiques font oublier que Chat GPT n’est qu’un site de présentation d’une technologie en développement, et non un produit fini. SI vous voulez un produit fini avec l’Intelligence Artificielle, allez voir du côté de DoNotPay, un chatbot assistant juridique si efficace que son créateur a du limiter le développement, sous peine de faire un tour en prison pour exercice illégal de la profession d’avocat. Car notez que ce n’est pas l’intelligence artificielle qui vous volera vos emplois, mais ceux qui sauront l’utiliser !

Enfin, au risque de passer pour un vieux réac’, tonton Bob se devait de parler rapidement de « l’éthique » dont GPT fait souvent état. Si je comprends bien l’intérêt de limiter les dérapages possibles d’un tel outil, notamment au regard des règles légales, le fait de « bloquer » certaines réponses sur la base de règles morales – et ChatGPT entretien une confusion assez malsaine entre règles légales et règles morales – revient en pratique à imposer une certaine vision du monde et donc à mettre un terme au principe de neutralité de l’outil informatique (avec en fer de lance la neutralité du réseau Internet dont la fin aux États-Unis en 2018 avait fait couler beaucoup d’encre). Un monde nouveau que j’vous dis !

Bob Dupneu

Par ailleurs

GPT étant en libre accès, tout un chacun peut l’utiliser dans ses projets, bons ou mauvais. Evidemment, le mauvais est toujours rapide à se manifester et des arnaques à base d’application Android vérolées et d’hameçonnage se multiplient. Allez donc voir cet article et faites attention. Encore un peu d’effort et le Net redeviendra le far-west qu’il était à la fin des années 90 !