Tu le crois ça ? Un livre sur AHL

Pour ceux qui, comme moi, jouaient et lisaient la presse vidéoludique dans les années 90, AHL est une légende. Revenu d’entre les morts grâce à Internet après avoir été mis au placard, le papy des journalistes de notre microcosme brille encore d’une aura que beaucoup peuvent lui envier. Pour les plus jeunes, ces trois lettres ne doivent pas signifier grand-chose… Tout au plus une tête grisonnante encensée par les anciens, qui tient un blog aux mises à jours presque aussi fréquentes que bobdupneu.fr, a une petite émission sur gameblog.fr et participe a quelques événements.

Ces jeunots ne seront probablement pas intéressés par « Tu le crois ça? », le recueil de mémoires d’AHL consignées par Julien Chièze. Alors bon, j’en entends déjà au fond qui s’excitent juste en lisant ce nom, mais est-ce bien raisonnable ? Une simple recherche Google tend à démontrer que le personnage divise. Pour ma part, je n’ai pas vraiment d’avis, faute de fréquenter régulièrement gameblog.fr. Mais je me dis que si AHL en personne a jugé bon de lui faire confiance, autant laisser une chance au bouquin…

Comme souvent, Pix’n Love est à l’édition. J’ai été un peu étonné de ne pas trouver le livre dans leur série « Les grands noms du Jeu Vidéo ». Mais après tout, AHL n’est pas stricto sensu un acteur du jeu vidéo. Il est plutôt un des pionniers de la démocratisation de ce média, survivant d’une époque ou le jeu vidéo ne pouvait être qu’un jouet ou une dangereuse machine à lobotomiser. Le truc d’AHL, c’était en fait son âge : suffisamment âgé pour être le père de ses lecteurs (et de pas mal de ses rédacteurs), il émanait de lui une sorte de sagesse, qu’il tenait sans doute de sa vie « d’avant ». Car AHL a évolué dans le milieu du Show Business de nombreuses années avant de découvrir celui des jeux vidéo. D’où une bonne compréhension des ressorts économiques de ce qui était déjà une industrie rentable et ouvertement mercantile.

Du coup, quand un précurseur de ce type, présent depuis les origines de la presse vidéoludique, propose son témoignage, on s’assoit et on lit ! Hormis la couverture assez sérieuse, on retrouve bien la patte Pix’n Love : police de caractère, typographies geek, coquille toutes les trois pages (j’exagère un peu… mais il en reste quand même). Pour continuer avec la forme, Julien Chièze indique avoir essayé de restituer au mieux le style d’AHL. Sur ce point, j’ai trouvé l’exercice réussi. Le livre se lit vite et facilement (deux heures sans forcer) et est aussi agréable à parcourir que les articles de la presse de l’époque.

Sur le fond, AHL nous propose un florilège d’anecdotes, dont certaines assez personnelles. La première partie sur sa vie dans le Showbiz est très intéressante, même si ce n’est évidemment pas elle qui a le plus marqué le ludophile nostalgique que je suis. Elle est indispensable cependant, car elle permet de mieux cerner le personnage et de comprendre son importance dans la presse vidéoludique de l’époque. Et comme elle a le bon goût d’être succincte…

Une fois arrivé dans la partie « Jeux Vidéos », l’ouvrage devient une madeleine de Proust tout autant qu’un documentaire sur les coulisses de l’industrie du jeu vidéo dans les années 80 et 90 (dans la foulée, lisez donc « La Saga des Jeux Vidéo » de Daniel Ichbiah. C’est un bon cru…), mais centré sur le fonctionnement des magazines, leurs rapports avec les éditeurs et le lectorat. Lucides et honnêtes, les anecdotes rapportées passionneront tous ceux qui lisaient la presse de l’époque.

Les autres seront logiquement moins captivés : si je vous dis que AHL crache le morceau sur la concurrence Joypad, Consoles + et Super Power (fin de la rubrique nécrologique), en précisant sa relation avec J’M Destroy/Sumo, ceux qui connaissent auront un petit orgasme. Les autres sont déjà sur Google et regardent des photos de gros mecs en strings sans bien comprendre l’allusion. Du coup, aussi agréable à lire soit-il, le livre ne s’adresse qu’à un public restreint : il s’agit bien d’anecdotes, et non d’une analyse poussée et académique de l’industrie de cette époque. Comme Marcus l’année dernière, AHL nous offre simplement une balade dans le temps, genre « putain, je suis content d’avoir vécu cette époque ! ». Pas de nostalgie donc, et c’est tant mieux.

Au niveau des reproches, pas grand-chose. Un peu de repompe cependant : de tête, au moins trois anecdotes ont été rapportées dans des numéros (assez) récents de Pix’n Love : les mangas pornos du Panda, la gaffe de la carte de visite et la vrai-fausse exclu du casque de réalité virtuelle de Sega. De plus, je trouve – et c’est absolument subjectif – qu’AHL a parfois tendance a surjouer le passage de pommade envers Gameblog et consorts, travers que j’avais déjà relevé sur son blog. Simple impression de ma part ou réalité, je ne saurai dire.

Bon, vous l’aurez compris, AHL est un personnage (car il explique bien avoir façonné un personnage, déclarant même que c’était ça « sa grande idée ». Yo, tu le crois ça, oui ou merde ?) attachant et emblématique d’une époque du jeu vidéo, et son livre l’est tout autant. Quand on pense qu’un gars comme ça a été mis au placard… ça n’aura pas porté chance à Future France/Yellow Media/M.E.R.7, remarquez 😉 Si vous avez connu cette époque (et non, si vous êtes nés après 90, vous n’avez pas connu cette époque. Vous en avez entendu parler, c’est différent !), procurez-vous le livre. Sinon, vous risquez de ne pas vous laisser embarquer pour le voyage…

Bob Dupneu

N.B.: Le livre est vendu en coffret avec les deux saisons de l’émission d’AHL. Je n’ai pas vraiment regardé l’émission sur Gameblog et n’ai pas encore vu les DVD, donc je ne me prononcerai pas.

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